« Les élites sont bien obligées d’admettre que les peuples occidentaux, classes populaires puis classes moyennes, rejettent une mondialisation trop massive et trop perturbatrice et l’immigration de masse » (…) « je dis aux responsables politiques et à tous ceux qui ont accès à la parole publique qu’il faut entendre les demandes d’identité, de souveraineté et de sécurité des peuples, au lieu de s’en indigner, les canaliser, y répondre. »
Hubert Védrine – qui ne dit pas que des bêtises – a bien compris que la diabolisation des aspirations populaires ne pouvait plus durer. D’une part parce que cela est antidémocratique et que de plus en plus de Français s’en rendent compte chaque jour et, d’autre part, parce qu’après les peuples des pays de l’Est et du Sud de l’Europe, ce sont ceux des pays du Nord – loués pour leur ouverture d’esprit et leur tolérance – qui commencent à dire qu’ils en ont assez.
De ce point de vue, la montée de l’extrême droite en Suède mise en lumière à l’occasion des élections du 9 septembre ne peut s’expliquer par la conjoncture économique. C’est donc bien la question de l’immigration qui fait réagir les Suédois (voir ICI).
« Entendre les demandes d’identité, de souveraineté et de sécurité des peuples » ? Vous n’y pensez pas ! Cela signifierait faire la politique de l’extrême droite tant diabolisée. Pourtant, c’est ce qu’ont fait les dirigeants du Royaume-Uni en acceptant le résultat du référendum du 23 juin 2016 à l’occasion duquel les Britanniques ont voté à 51,9% pour la sortie de l’Union européenne. Pourtant, ni Davis Cameron, Premier ministre de l’époque ni Thérésa May qui lui a succédé sont de dangereux fascistes. Non, simplement des démocrates qui respectent la volonté de leur peuple. Rien à voir avec les dirigeants français qui s’assoient allègrement sur la volonté de la majorité (cf. l’adoption par le parlement du projet de loi autorisant la ratification du traité établissant une constitution pour l’Europe trois mois après son rejet par 54.68% des Français).
Un Pays, une nation, des frontières… Tout cela peut est perçu comme des moyens d’exclure l’autre par les partisans d’un monde sans frontière où tous les Hommes seraient frères – et sœurs. Si cet idéal est séduisant dans son principe, il se fracasse sur la réalité. Un pays, une nation, des frontières… sont avant tout l’expression d’une histoire, d’une culture, d’us et de coutumes et de bien d’autres choses qui permettent de forger une identité commune. Les peuples refusent d’y renoncer, surtout au profit de politiques ultralibérales au service des puissants et des possédants et d’une Union européenne peu démocratique, incapable de protéger du chômage de masse et de la précarisation et asservi aux États-Unis.
Que tout cela change, que nos dirigeants nationaux arrêtent de mépriser l’opinion et les décisions de leurs peuples, que l’Union européenne se réforme en profondeur, qu’elle s’occupe enfin des attentes et des besoins des peuples qu’elle soit censée servir et alors seulement l’opinion populaire à leur égard pourra évoluer. Ce n’est pas demain la veille et il semble bien qu’il faille les y obliger…