Une analyse sociologique fine d’un mouvement complexe et riche.
« On n’arrive pas à la critique de l’économie seulement par une idéologie politique représentée dans la sphère publique. On y arrive – et c’est la voie des gilets jaunes – par la dissonance entre sa perception et sa pratique du marché libre. Vous aurez remarqué qu’ils souhaitent que ’les gros paient gros et les petits paient petit’. Derrière cette phrase se trouve une vision de l’économie très polanyiste, selon laquelle le jeu économique doit servir une vie sociale digne dont il fait partie intégrante. La grande accumulation de richesse ne les gêne pas, à condition qu’elle soit raisonnablement fonctionnelle sur le plan social. En revanche, si elle est là pour contrôler la société, c’est-à-dire en tant que pouvoir, ils trouvent qu’elle est malsaine et politiquement nocive. »
(…)
« La politisation vient dans ce cadre de cette source commune d’expérience sans intellectualisation ou médiation idéologique. Vous n’avez pas besoin de décider si le monde est juste ou injuste, si le marché libre est une bonne chose, si la faute revient à tel parti politique, si l’Europe peut ou ne peut recevoir plus de migrants, s’il faut nationaliser les entreprises importantes… en somme, « être dans la même merde » fait naître dans ce mouvement une conscience politique qui s’étend à partir de l’expérience commune et revient à cette dernière. Le lien n’est pas à construire ou à entretenir idéologiquement en guettant les incohérences. Le lien est là au départ et sera là à la fin même si l’on s’oppose aux propositions de ses semblables. »
https://lundi.am/Une-politique-experientielle-Les-gilets-jaunes-en-tant-que-peuple